Le renouveau par les énergies renouvelables

Il faut rendre justice au rôle essentiel déjà joué par ce type de ressources.

Par François PLOYE

Ingénieur et consultant.

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vendredi 19 août 2005

Au mois d’août, de nombreux Français se prélassent sur les plages. Au large des baigneurs, se croisent les planches à voile multicolores. A cent mètres de là, sur la route qui surplombe la mer, un groupe de vacanciers transpirants sont descendus de leurs bicyclettes pour déguster une salade de fruits du pays. Cette ambiance de vacances a un petit air de pub pour le monde de l’après-pétrole, où régneraient en maître les énergies renouvelables : bateaux à voile poussés par le vent, fruits gorgés de soleil, incroyables mini-usines fonctionnant à l’énergie solaire ­ et même traction animale avec… les valeureux cyclistes.

Pourtant, tous les jours, des messieurs sérieux nous affirment que la production d’énergie renouvelable en France (hors hydroélectricité) est marginale, à un peu moins de 7 % de la production totale. Une situation qui risque de subsister longtemps étant donné le peu d’empressement que les Français mettent à équiper leurs pittoresques villages avec des éoliennes et des panneaux solaires. Et encore, les progrès sont fulgurants. Au début des années 70, l’apport des énergies renouvelables dans l’économie était considéré comme nul d’après les statistiques officielles. Alors que si notre Soleil s’éteignait, toute trace de vie disparaîtrait sur Terre en quelques semaines, quelle ingratitude ! Il semble que nous utilisions les énergies renouvelables, comme Monsieur Jourdain faisait de la prose, sans le savoir. Car si le véliplanchiste se convertissait au ski nautique, le cycliste au 4×4 et que les abricots étaient cultivés en lumière artificielle, cette fois ces activités seraient recensées parmi les «besoins» énergétiques de la nation. Et les meilleurs experts de la nation se réuniraient pour garantir un approvisionnement en énergie (nucléaire si possible) suffisamment bon marché dans les cinquante prochaines années pour que ces indispensables activités ne soient pas menacées. Il en va de notre croissance et de nos emplois.

Décidément, les techniciens ne raffolent pas de ce qui est gratuit et compliqué à mesurer. D’autant que, dans leurs tableaux, toute énergie doit être convertie en équivalent tonne pétrole. Or deux conceptions du monde s’affrontent, entre la planche à voile, extrêmement légère et aérodynamique, et qui avance relativement lentement, et le hors-bord, bruyant et rapide, mais capable de tirer un skieur en plus du conducteur. Si le plaisir est (presque) comparable entre les deux sports, ramené en équivalent tonne pétrole, l’énergie éolienne nécessaire pour déplacer la planche à voile est négligeable donc négligée. Et pourtant la voile est un sport extrêmement populaire en France.

De manière plus générale, on sait que la voiture est utilisée par les particuliers majoritairement pour effectuer de courtes distances. Dans un certain nombre de cas, l’enjeu est de se procurer une baguette de pain, un paquet de clopes ou d’aller chercher ses enfants à l’école, qui eux-mêmes bénéficient de jeunes jambes en état de fonctionner. Des moyens de transport plus propres et plus durables que le véhicule à essence, comme la marche à pied, le roller ou la bicyclette, seraient suffisants. Du point de vue nombre de kilomètres parcourus et service rendu, les deux solutions sont quasi identiques. Or il est clair là aussi que l’équivalence au sens énergétique conduit à négliger le rôle de la marche à pied. Le marcheur ne va pas s’amuser à déplacer en plus de sa baguette les 600 kg de métal et de plastique que représente une voiture, voire plus d’une tonne dans le cas d’un 4×4. Quand l’essence bon marché aura disparu, le paysage de nos villes va changer profondément, les voitures seront moins rapides, plus petites et beaucoup plus légères. Les 4×4 sont les dinosaures de notre époque.

Un autre bon exemple est celui de l’habitat. Une grande partie de l’année, les maisons et les immeubles sont chauffés uniquement grâce au soleil. Là aussi la production d’énergie solaire n’est comptabilisée dans les statistiques officielles que si elle est dite active, soit thermique avec production d’eau chaude, soit photovoltaïque avec production d’électricité. Le solaire dit passif, qui est importé directement du ciel sans taxes et utilisé avec intelligence depuis des millénaires, est lui absent des statistiques. Pourtant la conception des habitats permet de tirer parti de ce rayonnement solaire naturel dans des rapports très variables, suivant la forme générale du bâtiment et son orientation, la présence d’une double coque, le choix des matériaux et la ventilation. Des techniques traditionnelles, améliorées à l’aide d’outils d’ingénierie moderne, font d’ailleurs l’objet d’un domaine d’études très actif, l’architecture bioclimatique. Il est possible de réduire le recours aux énergies non solaires, aussi bien pour chauffer que pour climatiser, économisons une fraction de ce qui est consommé dans un immeuble classique. Sans aller chercher ces techniques nouvelles, qui sont davantage prisées chez nos voisins danois ou italiens qu’en France, le déplacement de la population française qui déserte les régions du Nord et de l’Est, pour s’installer dans le Sud, induit naturellement une modification des modes de consommation d’énergie. La part de l’énergie solaire dans le chauffage et dans l’éclairage des bâtiments est largement plus élevée dans le Sud que dans le Nord. Un gain qui là encore n’est pas transcrit dans les statistiques officielles. Au contraire, on se désole que la région Paca fasse très peu appel aux énergies renouvelables, alors que par nature, c’est la région largement en tête quant à la consommation d’énergie solaire !

Il serait plus que temps de rendre justice au rôle essentiel tenu par les énergies renouvelables, y compris dans nos sociétés très dépendantes des énergies fossiles. L’enjeu n’est pas que symbolique, il s’agit d’apprendre à mieux exploiter un gisement considérable. Ainsi des chercheurs se sont aperçus que l’éclairage était avant tout naturel avant d’être électrique (tiens donc !) et viennent de mettre au point un système où la lumière du soleil est focalisée puis transmise via fibres optiques jusqu’à plusieurs dizaines de mètres de distance. L’idée est d’éclairer dans la journée des pièces sans fenêtres vers l’extérieur, uniquement à l’aide de la lumière solaire. La réalité de la survie de la vie humaine sur terre passe par un usage constant et quotidien de l’énergie solaire, et de ses dérivées les énergies éoliennes et hydrauliques. Les énergies fossiles, qui ont été dilapidées en deux siècles, ne sont qu’une exception, certes remarquable mais une exception, dans la très longue histoire des sociétés humaines.

Dernier ouvrage paru : l’Effet de serre, science ou religion du XXIe siècle, éditions Naturellement (2000)

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