Dernier jour d’un condamné.

En pensant à Troy Davis (voir billet précédent) je ne peux pas m’empêcher de repenser à une lecture qui m’avait marqué, celle du Dernier jour d’un condamné, de Victor Hugo, lisez-le c’est important.
Je ne te connais pas Troy Davis mais je pense à toi, l’idée qu’on puisse attenter à ta vie me remplit d’horreur et d’effroi, les hommes qui commettront ce crime abject ne sont pas meilleurs que toi, le système qui emploie leur cruauté est criminel.
Quel genre d’hommes sont capable d’une telle chose ? Tuer froidement un homme comme eux, un homme qui pense, qui respire comme eux !
J’espère qu’on arrêtera cette monstrueuse machination à temps comme on l’a fait pour Kenneth Foster.

Extrait du Dernier jour d’un condamné – Chapitre XXVI

Il est dix heures.

Ô ma pauvre petite fille ! encore six heures, et je serai mort ! Je
serai quelque chose d’immonde qui traînera sur la table froide des
amphithéâtres ; une tête qu’on moulera d’un côté, un tronc qu’on
disséquera de l’autre ; puis de ce qui restera, on en mettra plein une
bière, et le tout ira à Clamart.

Voilà ce qu’ils vont faire de ton père, ces hommes dont aucun ne me
hait, qui tous me plaignent et tous pourraient me sauver. Ils vont me
tuer. Comprends-tu cela, Marie ? Me tuer de sang-froid, en cérémonie,
pour le bien de la chose ! Ah ! grand Dieu !

Pauvre petite ! ton père, qui t’aimait tant, ton père qui baisait ton
petit cou blanc et parfumé, qui passait la main sans cesse dans les
boucles de tes cheveux comme sur de la soie, qui prenait ton joli
visage rond dans sa main, qui te faisait sauter sur ses genoux, et le
soir joignait tes deux petites mains pour prier Dieu !

Qui est-ce qui te fera tout cela maintenant ? Qui est-ce qui
t’aimera ? Tous les enfants de ton âge auront des pères, excepté
toi. Comment te déshabitueras-tu, mon enfant, du Jour de l’An, des
étrennes, des beaux joujoux, des bonbons et des baisers ? — Comment
te déshabitueras-tu, malheureuse orpheline, de boire et de manger ?

Oh ! si ces jurés l’avaient vue, au moins, ma jolie petite Marie, ils
auraient compris qu’il ne faut pas tuer le père d’un enfant de trois
ans.

Et quand elle sera grande, si elle va jusque-là, que
deviendra-t-elle ? Son père sera un des souvenirs du peuple de
Paris. Elle rougira de moi et de mon nom ; elle sera méprisée,
repoussée, vile à cause de moi, de moi qui l’aime de toutes les
tendresses de mon coeur. Ô ma petite Marie bien-aimée ! Est-il bien
vrai que tu auras honte et horreur de moi ?

Misérable ! quel crime j’ai commis, et quel crime je fais commettre à
la société !

Oh ! est-il bien vrai que je vais mourir avant la fin du jour ? Est-il
bien vrai que c’est moi ? Ce bruit sourd de cris que j’entends au
dehors, ce flot de peuple joyeux qui déjà se hâte sur les quais, ces
gendarmes qui s’apprêtent dans leurs casernes, ce prêtre en robe
noire, cet autre homme aux mains rouges, c’est pour moi ! c’est moi
qui vais mourir ! moi, le même qui est ici, qui vit, qui se meut, qui
respire, qui est assis à cette table, laquelle ressemble à une autre
table, et pourrait aussi bien être ailleurs ; moi, enfin, ce moi que
je touche et que je sens, et dont le vêtement fait les plis que
voilà !

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