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FORMINDEP :

"VOUS AVEZ DIT TARTUFFERIE" ?

P. FOUCRAS.
mercredi 4 octobre 2006.


Dominique DUPAGNE, médecin généraliste membre du Formindep, a dénoncé sur son site Atoute.org les relations étroites de certains médecins avec les firmes pharmaceutiques. Ces relations portent atteinte à la nécessaire indépendance des médecins et amènent souvent, comme le Formindep ne cesse de le démontrer, à la diffusion d’une information sous influence, biaisée, souvent erronée, parfois mensongère, susceptible de mettre en danger la qualité des soins.

Dominique DUPAGNE a pris l’exemple de l’AFEM (Association Française pour l’Etude de la Ménopause) et de son président, le Docteur Henri ROZENBAUM, pour lequel, disait-il ironiquement, il ne se faisait pas de souci pour ses vieux jours. Le Docteur ROZENBAUM s’est déclaré diffamé et a porté plainte auprès de l’Ordre des médecins.

L’Ordre des médecins vient de condamner Dominique DUPAGNE, non pas pour avoir révélé la vérité - l’Ordre des médecins considère que la manifestation de la vérité n’est pas de son ressort - mais pour avoir osé mettre sur la place publique ces comportements ! Lire le communiqué de Dominique DUPAGNE sur son site.

Rappelons que l’Ordre des médecins a pour fonction en France de faire appliquer le Code de déontologie médicale et en particulier son article 5 qui énonce que « le médecin ne peut aliéner son indépendance professionnelle sous quelque forme que ce soit ».

La préoccupation de l’Ordre, à travers un tel jugement, semble davantage de maintenir la chape de silence sur des comportements portant atteinte à la déontologie médicale et susceptibles d’altérer la qualité des soins, plutôt que lutter réellement contre ces comportements.

Vous avez dit tartufferie ?

Est-il judicieux, voire possible, de dénoncer les déviations éthiques des médecins ? Communiqué de Presse.

La médecine est connue pour son goût du secret, qu’il soit ou non justifié par la protection des patients. Une affaire récente et instructive vient de le confirmer.

Résumé : Pour le Conseil de l’Ordre des Médecins d’Ile de France, la révélations de comportements contraires à l’éthique semble plus grave que ces comportements eux-mêmes. Un médecin est condamné pour avoir stigmatisé les liens étroits qu’entretiennent certains leaders d’opinion médicaux ou certaines associations de médecins avec l’industrie pharmaceutique. Lire la décision complète.

Le Dr Henri Rozenbaum, gynécologue et médiatique président de l’AFEM (Association Française d’Etude de la Ménopause) est connu pour ses nombreuses interventions publiques sur la contraception ou le traitement hormonal de la ménopause, auprès de ses confrères ou du grand public. Son association, largement financée par l’industrie pharmaceutique [1], conteste souvent les messages de l’Agence du médicament [2] et prône un large usage d’hormones dont les dangers potentiels ont été révélés par des travaux scientifiques récents et ont fait chuter les ventes des laboratoires "bienfaiteurs" de l’AFEM. Pour assurer la promotion ou la réhabilitation de ces médicaments ou leurs successeurs, l’AFEM organise des manifestations médiatiques, soutenues par des campagnes de presse, pendant lesquelles les gynécologues présents (le plus souvent invités par l’industrie pharmaceutique) reçoivent la bonne parole. Pendant ces manifestations, le nom des laboratoires bienfaiteurs est rappelé aux médecins et leur nom s’inscrit sur l’écran placé derrière l’orateur [3] . Pour les généralistes, l’AFEM utlise le mailing, courrier postal envoyé massivement dont le coût peut difficilement être couvert par les seules cotisations des membres de l’AFEM.

Le Dr Dominique Dupagne est généraliste et également animateur bénévole d’un site internet, (http://www.atoute.org), dédié à l’information du public en matière de santé. Il a reçu en 2003 à son cabinet un mailing du Dr Rozenbaum pour l’AFEM l’invitant à ne pas s’inquiéter du bruit fait autour du traitement hormonal de la ménopause et contestant les recommandations de prudence de l’Agence Française du médicament. Il s’en est ému sur son site internet [4] en des termes vifs stigmatisant les rapports étroits de son confrère avec l’industrie pharmaceutique.

Le Dr Rozenbaum a porté plainte contre le Dr Dupagne pour diffamation. Le Dr Dupagne a alors réuni des preuves [5] de ce qu’il avançait, constatées par huissier, et a invoqué l’exceptio veritatis , à savoir l’impossibilité d’être poursuivi pour diffamation lorsque l’on dit vrai. Il a demandé que les copies des contrats personnels du Dr Rozenbaum et de l’AFEM avec l’industrie, conservés au Conseil de l’Ordre, soient versées au dossier. Ceci lui a été refusé.

La décision du Conseil Régional d’Ile de France de l’Ordre des Médecins a été notifiée aux parties le 25 septembre 2006 [6] après un affichage public le 13 du même mois. Le Dr Dupagne reçoit un blâme pour avoir insinué que le Dr Rozenbaum collaborait avec l’industrie pharmaceutique au mépris de son indépendance professionnelle. L’exceptio veritatis a été rejetée, et le fait de savoir si ce qu’a écrit le Dr Dupagne était vrai ou non est considéré par le Conseil Régional de l’Ordre comme non pertinent.

Pendant la procédure, le Dr Rozenbaum a affirmé que les associations médicales étaient financées par l’industrie pharmaceutique, essayant ainsi de dédouaner l’AFEM et présentant cette situation comme normale. C’est une accusation grave car il affirme donc que les associations de médecins, sans discernement, ont perdu leur indépendance vis-à-vis du principal acteur économique de leur domaine d’activité. La gravité de cette situation est proche de celle du financement des partis politiques dans les années 90, et les sommes en jeu dans la santé ne sont pas inférieures à celles concernées par les marchés publics du bâtiment. Comment croire désormais les sociétés savantes médicales qui prônent tel ou tel traitement ou telle ou telle stratégie lorsque l’on apprend que ces sociétés dépendent pour leur survie des subsides de l’industrie pharmaceutique ou organisent des manifestations soi-disant scientifiques qui ne sont finalement que des opérations promotionnelles ?

En pratique, pour le Conseil Régional d’Ile de France, l’important n’est pas ce que l’on fait, mais ce que l’on dit ou écrit, l’essentiel étant de ne pas ébruiter les entorses éthiques des confrères. Le Dr Dupagne a fait appel de cette décision de première instance et l’affaire sera portée devant le Conseil National de l’Ordre des Médecins. Il faut noter que la comparution à eu lieu avant la réforme de la procédure disciplinaire qui prévoit la présence d’un magistrat professionnel apportant son expérience du droit aux conseillers ordinaux régionaux.

Il faut espérer qu’à l’occasion de cette procédure inédite, le Conseil National saura prendre la mesure de la gravité d’une situation qui risque d’éclabousser toute la profession. Le Conseil de l’Ordre des Médecins, garant de l’éthique de la profession, saura-t-il affirmer en deuxième instance l’intangibilité de l’article 5 du code de déontologie, qui brille par sa force et sa concision : " Le médecin ne peut aliéner son indépendance professionnelle sous quelque forme que ce soit".



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