Vous croisez peut être tous les matins un barbare, sans le savoir, vous lui confiez peut-être même vos enfants, il est là, à vos côtés, dans l’ascenseur, vous parlant sans cesse de tout et de rien, il vous scrute, vous épie sous toutes les coutures.
Vous vous dites « Mais qu’est ce qu’il me veut ce con ? » mais vous le laissez parler car vous ne vous êtes jamais douté de sa véritable nature, cachée, secrète.
Le barbare est le compagnons de nos cauchemards, il a toujours été là, parmis nous, guettant la moindre occasion pour laisser sa trace sanglantes dans L’Histoire ou plus simplement dans nos mémoires attristées.
Il est notre tristesse, notre désenchantement, notre peur est sa récompense.
Mais oui, souvenez-vous, vous l’avez déjà croisé : le petits chefaillons du matin, à l’entrée de l’usine, toujours à l’heure, lui ! Le flic ordinaire, à la méchanceté ordinaire qui ne demande qu’a se transformer en gardien de camp ou en bourreau, le voisin médiocre qui vous sourit tous les jours, il est si serviable, le genre à insister pour porter vos commissions mais qui vous dénoncera aux bourreaux le moment venu, quand il vous saura traqué ou menacé.
Vous le trouvez lourd, parfois amusant mais vos enfants ne l’aiment pas et vous n’avez jamais compris pourquoi.
Le barbare c’est un peu un concentré de l’ordure humaine, un être abject mais parfois intelligent.
Cette brute nous a marqué, enfant, à l’époque on l’appelait la terreur des cours de récré, c’était lui, déjà…mais le voilà homme, éduqué, civilisé, il a su revêtir le masque de la furtivité, l’habit du moine, devenir enfin respectable, drapé de l’éloquence du politicien, vous l’écoutez… comme il est fascinant, mais oui c’est ça ! il a raison… tous ces étrangers, tous ces impôts et qui pense à moi ? hein ! Lui, il y pense au moins, il ne pense qu’à ça d’ailleurs, vous pouvez compter sur lui, il sera là le moment venu…
Le barbare moderne pourrait être comparé à ce mafieux qui a changé de manières mais sans modifier ses habitudes. Le petit prédateur a pris de la hauteur. Il s’est investi en politique. Habitué à traiter avec férocité ceux qui, jadis, se risquaient à résister, notre barbare contemporain ne peut toujours pas se départir de cette brutalité qui fait partie de sa nature profonde. Tout naturellement, le barbare a fait des émules. On les trouve sur tous les chemins de traverse. Ils se manifestent sur le lieu de travail, estimant que l’exploitation consentie est bien plus efficace que la simple résignation enseignée par les Eglises. Le Barbare est à nos portes. Il ne cesse de nous surveiller. Notre voisin est peut-être l’un de ces mercenaires qui n’a rien à refuser à la police…
Ecoutez cette émission de Radio Libertaire consacrée au dernier livre de Maurice Rajfus : L’intelligence du barbare.
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